La mémoire de l'eau
Annulation des tarifs (1990-1998)
Tribunal d'instance de Grenoble jugement du 10 mars 1998 n° 11.97.00686 Monsieur Vincent 002... c/ SOCIÉTÉ DES EAUX DE GRENOBLE
Tribunal d'instance de Grenoble
Plaidoiries du 27 janvier 1998
jugement du 10 mars 1998
N° 11.97.00686
Monsieur Vincent 002...
c/
SOCIÉTÉ DES EAUX DE GRENOBLE
Madame Isabelle JARRIN, juge au tribunal de grande
instance de Grenoble, chargée du service du tribunal d'instance,
président
Madame Nadine MICHAZ, greffier
Demandeur :
Monsieur Vincent 002...,
représenté par Maître Éric LE GULLUDEC, avocat au barreau de Grenoble
Défenderesse :
SOCIÉTÉ DES EAUX DE GRENOBLE dont le siège est 6 rue Colonel
Dumont BP 138 - 38 003 GRENOBLE Cedex 1,
représentée par Maître ESCALIER, avocat du barreau de Grenoble
Décision :
Contradictoire en
dernier ressort
Prononcé en audience publique
Exposé du litige :
Monsieur Vincent 002..., habitant Grenoble, est abonné au service de distribution de l'eau assuré par la Société des Eaux de Grenoble (SEG) ex-COGESE, laquelle exploite les services publics de l'eau et de l'assainissement de la ville de Grenoble.
Estimant avoir été lésé par les factures émises par la SEG dans la période s'étendant entre le 30 octobre 1989 et le 31 décembre 1995, il l'a assignée devant ce tribunal par acte d'huissier en date du 19 février 1997, en vue d'obtenir sa condamnation à lui rembourser un trop-perçu évalué à la somme de 3 850,03 francs et à lui verser la somme de 2 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
A l'appui de cette demande, il soutient :
- que la SEG ne bénéficie d'aucune autorisation légale lui permettant de facturer à un abonné la part d'assainissement intercommunale
- que les tarifs pratiqués par la SEG au titre de la part communale pour l'eau et l'assainissement sont illégaux
- que la SEG a appliqué des tarifs rétroactivement, au mépris de la réglementation sur la tarification des services publics
La SEG a conclu à l'incompétence ratione materiae de ce tribunal pour connaître es réclamations du demandeur, et au renvoi de celui-ci devant le tribunal administratif de Grenoble ; subsidiairement au sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir au conseil d'État saisi d'une requête en annulation des conventions sur le service de l'eau et l'assainissement ; à titre plus subsidiaire encore au débouté du demandeur.
Monsieur Vincent 002... réplique qu'il s'agit d'un contentieux essentiellement tarifaire pour lequel seul le juge judiciaire est compétent, et que si l'usager du service public industriel et commercial peut à l'occasion d'un tel contentieux l'opposant au concessionnaire, en l'espèce la SEG ex-COGESE, invoquer par voie d'exception constitutive d'une question préjudicielle l'illégalité même des clauses tarifaires, le tribunal d'Instance n'a pas à saisir en l'espèce le tribunal administratif dès lors que :
- il n'existe pas de délibération de la ville de Grenoble autorisant le maire à signer une convention spéciale permettant la perception par la COGESE, de surtaxes pour le compte d'autres organismes notamment au titre de l'assainissement intercommunale : la convention du 13 juillet 1989 (pièce n° 2 de la SEG) entre le SIEPARG, la SDA et la ville de Grenoble ne reposant sur aucune délibération communale, et la convention du 08 août 1990 (pièce n° 8 de la SEG) entre la SDA et la COGESE supposant que la ville de Grenoble ait transféré l'autorisation de facturer à la COGESE par avenant, acte dont il n'es pas justifié
- les tarifs pratiqués par la COGESE au titre de la part communale pour l'eau et l'assainissement sont illégaux en raison de l'illégalité de la délibération du conseil municipal de Grenoble en date du 30 octobre 1989, illégalité devenue indiscutable suite à l'annulation de cette délibération par le conseil d'État dans son arrêt du 1er octobre 1997
- la rétroactivité des tarifs pratiquée par la COGESE, qui résulte de l'article 40 de la convention sur l'eau et l'article 32 de la convention relative à l'assainissement, toutes deux du 03 novembre 1989, et approuvées par la délibération du conseil municipal du 30 octobre 1989, est illégale, cette rétroactivité étant contraire au principe de non-rétroactivité des prix des services publics, et ladite délibération ayant été annulée par le conseil d'État le 1er octobre 1997
Motifs :
Les litiges relatifs aux rapports de l'usager avec un service public industriel et commercial sont soumis au droit privé et à la compétence judiciaire.
Ce tribunal est donc compétent pour se prononcer sur l'application des tarifs de la SEG, service public à caractère industriel et commercial de distribution d'eau, à Monsieur Vincent 002..., l'un des usagers de ce service.
Mais l'appréciation de la légalité des décisions établissant la tarification des prestations fournies constitue une question préjudicielle dont seule peut connaître la juridiction administrative.
Il y a donc lieu avant dire droit au fond, d'inviter la partie la plus diligente à saisir le tribunal administratif de Grenoble de la question préjudicielle relative à l'exception d'illégalité soulevée par Monsieur Vincent 002....
Par ces motifs :
Le tribunal statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,
Se déclare compétent pour statuer sur la demande
Avant dire droit au fond,
Invite la partie la plus diligente à saisir le tribunal administratif de Grenoble de la question préjudicielle relative à l'exception d'illégalité des tarifs applicables aux prestations litigieuses, soulevée par Monsieur Vincent 002...;
Réserve les dépens.