Des ronds dans l'eau
Facturation rétroactive (1990-1995)
Pratique qui consiste à faire payer l'eau au prix en vigueur au moment où la facture est établie (c'est à dire après l'augmentation annuelle ou semestrielle) et non pas au prix en vigueur au moment où l'eau a été consommée.
- Décryptage des pratiques tarifaires de la COGESE
- La décision du Tribunal d'Instance de Grenoble du 2 mars 1999 condamne la méthode de facturation rétroactive
- Comment se faire rembourser les trop perçus illégaux
Décryptage des pratiques tarifaires de la COGESE
Comprendre les factures d'eau des abonnés domestiques. Injustice de la tarification des consommations par la COGESE selon la date de facturation
Les abonnés domestiques grenoblois paient deux factures par an : ils sont invités à acquitter d'abord une demande d'acompte équivalente à 45 % du volume de la consommation de l'année précédente ; puis, après le relevé annuel du compteur, une facture portant sur la différence (à consommation constante, celle-ci représente donc 55 % de la consommation annuelle).
Sous le prétexte fallacieux de la nécessité d'étaler la facturation tout au long de l'année, le territoire de la ville a été divisé en dix secteurs avec des dates de relevés de compteurs différentes, baptisés "lots de facturation". Les tarifs changent, eux, semestriellement, au rythme de l'année civile, et sont applicables dès les 1er Janvier et 1er Juillet.
Les acomptes (45 % de la consommation annuelle précédente) comme les consommations effectivement relevées, sont ainsi systématiquement facturés aux tarifs en vigueur à la date de facturation. Et selon ces dates, fixées par la COGESE, un certain pourcentage de la consommation de chaque abonné domestique est surfacturé. Ce pourcentage n'est pas identique pour chacun des lots. En période de forte augmentation des tarifs (comme c'est le cas depuis 1989), cette méthode est injuste : en effet, pour des abonnés consommant pendant la même période, la même quantité d'eau, elle entraîne des inégalités importantes.
Avez-vous tiré le bon lot de facturation ?
Précisons pour commencer qu'aucun abonné domestique ne paie la totalité de sa consommation d'eau et d'assainissement (et les redevances afférentes...) aux tarifs en vigueur au moment où elle a eu lieu. En réalité, la part des prestations exécutées avant l'entrée en vigueur d'un nouveau tarif semestriel varie selon les lots de facturation, arbitrairement fixés par la COGESE. Il y a donc des quartiers favorisés (où la surfacturation ne représente qu' 1/6ème de la consommation), et des lots très désavantagés pour lesquels la surfacturation atteint 83,33 % voire 100 % des prestations exécutées !
Les avantagés
- Les abonnés domestiques des lots 02.06 et 04.12 sont les plus favorisés (ou plus exactement les moins surfacturés !). Les abonnés du lot 02.06 reçoivent leur facture en Juin et leur demande d'acompte en Décembre ; ceux du lot 04.12 reçoivent leur demande d'acompte en Juin et leur facture en Décembre. Un sixième, soit 16,66 % seulement de leur consommation est surfacturé.
- Les abonnés du lot 02.05 reçoivent leur facture en Mai et leur demande d'acompte en Novembre. Ceux du lot 04.11 reçoivent leur demande d'acompte en Mai et leur facture de régularisation en Novembre. Le tiers, soit 33,33 % de leur consommation annuelle, est surfacturé.
Les défavorisés
- Les abonnés du lot 02.04 reçoivent leur facture en Avril et leur demande d'acompte en Octobre. Ceux du lot 04.10 reçoivent leur demande d'acompte en Avril et leur facture de régularisation en Octobre. La moitié, soit 50 % de leur consommation annuelle, est surfacturée.
- Les abonnés du lot 01.03 reçoivent leur facture en Mars et leur demande d'acompte en Septembre. Ceux du lot 03.09 reçoivent leur facture en Septembre et une demande d'acompte en Mars. Les deux-tiers, soit 66,66 % de leur consommation annuelle, sont surfacturés.
Les sacrifiés
- Les abonnés du lot 01.02 reçoivent leur facture en Février et leur demande d'acompte en Août. Les 5/6ème, soit 83,33 % de leur consommation annuelle, sont surfacturés.
- Les abonnés du lot 03. 07 reçoivent leur facture en Juillet, et ils avaient reçu une demande d'acompte en Janvier. La totalité 100 % de leur consommation est facturé au tarif du semestre qui suit leur période de consommation !
Dix tarifs différents !
Pour établir ce que nous avançons, nous avons comparé les coûts de la consommation d'eau (hors taxe), pour dix abonnés habitant des lots de facturation différents, consommant tout au long de l'année 1993, 10 m3 d'eau par mois. Le schéma permet de comprendre pourquoi les abonnés paient en réalité dix tarifs différents : l'inversion des dates des acomptes et des factures de régularisation introduit de faibles différences entre ceux dont le pourcentage de consommation surfacturée est identique.
Lorsque, au surplus, les tarifs semestriels sont en forte augmentation (comme cela a été le cas de 1992 à 1995) les écarts se creusent encore davantage, ainsi que le montrent les tableaux 1 et 2.
Ainsi, pour des abonnés ayant consommé régulièrement 120 m3 par an, pendant l'année 1993 (du 1er Janvier au 31 Décembre 1993), le coût normal du prix du m3 d'eau (suivant les tarifs annoncés par la COGESE) aurait dû être en moyenne de 10,81 F/m3. En fait, le coût réel du prix du m3 d'eau HT par lot facturé par la COGESE a été différent, comme nous le détaillons ci-dessous :
Les petits ruisseaux font les grandes rivières !
Tarif moyen annuel 1993 : 10,81 FHT/m3. Écarts entre les lots :
Lots | Prix FHT/m3 | Écarts FHT/m3 |
---|---|---|
Lot 04.12 | 10,94 FHT/m3 | + 0,13 FHT/m3 |
Lot 02.06 | 10,95 FHT/m3 | + 0,14 FHT/m3 |
Lot 04.11 | 11,06 FHT/m3 | + 0,25 FHT/m3 |
Lot 02.05 | 11,10 FHT/m3 | + 0,29 FHT/m3 |
Lot 04.10 | 11,19 FHT/m3 | + 0,38 FHT/m3 |
Lot 02.04 | 11,26 FHT/m3 | + 0,45 FHT/m3 |
Lot 03.09 | 11,31 FHT/m3 | + 0,50 FHT/m3 |
Lot 01.03 | 11,41 FHT/m3 | + 0,60 FHT/m3 |
Lot 03.07 | 11,55 FHT/m3 | + 0,74 FHT/m3 |
Lot 01.02 | 11,56 FHT/m3 | + 0,75 FHT/m3 |
Le système de tarification mis en place par la COGESE pour des abonnés domestiques consommant le même produit dans le même temps, entraîne donc des inégalités flagrantes. Ainsi, le coût annuel réel total HT a été :
- pour un abonné du lot 01.02 ayant consommé 120 m3/an de 1 386,68 F
- pour un abonné du lot 04.12 ayant consommé le même volume de 1 312,68 F
Le surcoût représente 89,48 F HT pour l'abonné du lot le plus défavorisé, soit 6,45 % des factures payées. Pour l'abonné du lot le moins défavorisé le surcoût s'établit à 15, 48 F HT soit 1,18% des factures payées.
Ainsi, la combinaison des changements de tarifs au début de chaque semestre et du système de facturation par lot, étalé tout au long de l'année, a pour effet d'entraîner des différences de prix réel au m3 consommé pendant la même période par les abonnés domestiques des dix différents lots.
Tableau n°1 : évolution semestrielle du prix de
1 m3 d'eau (francs courants HT) de 1989 à 1995
Tableau n°2 : calcul des dix tarifs réels (au m3
HT) pour un abonné de chaque lot ayant consommé 120 m3 entre le
1er janvier et le 31 décembre 1993
Le tribunal condamne la méthode de facturation rétroactive
Le jugement du Tribunal d'Instance de Grenoble du 02/03/1999 (rendu définitif par l'arrêt de la Cour de Cassation du 20/11/2001) nous enseigne que :
La technique de tarification était illégale
Cette méthode a permis à la COGESE de spolier les abonnés
grenoblois d'un peu plus de 21 millions de francs entre 1989 et 1995 (dont 2
millions de francs pour les plus défavorisés d'entre eux, locataires
de l'OPALE) en augmentant le prix de l'eau après l'avoir livrée
aux abonnés.
La COGESE dissimulait la clause litigieuse à ses clients
Cette méthode avait été découverte et dénoncée
par l'association Eau Secours dès 1994.
Saisi par un abonné grenoblois et adhérent de l'association, le
magistrat insiste très fortement sur "l'obligation de conseil dans le
cadre de la conclusion de tels contrats d'adhésion" obligation qui imposait à la
COGESE d'expliquer clairement comment elle facturait l'eau.
Le tarif n'existe pas
Le magistrat écrit aussi que "le tarif (...) a été
annulé en même temps que la délibération du conseil
municipal du 30 octobre 1989 et qu'ainsi est réputé
inexistant le document qui contenait la clause d'indexation et fixait la date
de valeur des indices de référence prise en considération
pour fixer la valeur du coefficient K" (le coefficient d'augmentation).
Les abonnés peuvent demander le remboursement !
La SEG (venue aux droits de la COGESE) devra payer au plaignant 330,31 F. (50,36
euros) et lui verser 3 000 F. en paiement des frais d'avocat qu'il a dû engager.
Avec Eau Secours, Maître Éric LE GULLUDEC, avocat grenoblois, s'est mis au travail
pour étudier la meilleure façon d'aider le reste des Grenoblois à se
faire rembourser. La ville a décidé d'entrer plus fortement dans
le capital de la SEG. A la suite de cette décision du Conseil municipal
du 15 mars 1999, Grenoble sera donc conduite à
indemniser avec leur propre argent les Grenoblois victimes de cette spoliation !
Comment se faire rembourser les trop perçus illégaux
Abonnés domestiques :
Pour calculer les trop-perçus issus de la facturation rétroactive,
Eau Secours a besoin des informations qui figurent sur vos factures de 1990 à 1995.
- Si vous les avez gardées, envoyez-nous en des photocopies. Nous vous renverrons alors le courrier type "obtenir le remboursement du préjudice" à adresser à la SEG qui contiendra le montant de ce qui vous est dû. Si vous avez participé à l'opération "on compte juste, 10 % de retenue", nous vous rembourserons les sommes consignées.
- Si vous n'avez plus vos factures, adressez à la SEG la lettre type "obtenir mes relevés de consommation semestriels ainsi que les dates de facturation". Si dans le mois qui suit votre demande vous n'avez aucune vraie réponse chiffrée de la SEG permettant de calculer le montant de votre préjudice (en clair : si la SEG vous répond "nous nous occupons de votre dossier" et ne donne aucune suite), envoyez sans délai la lettre type "Commission d'Accès aux Documents Administratifs (CADA)".
- Merci de joindre à chacun de vos envois une enveloppe timbrée libellée à votre adresse.
Autres (si à l'époque vous ne payiez pas
directement vos factures d'eau à la COGESE, si vous résidiez dans
une copropriété ou si vous étiez locataire d'un bailleur
social) :
Une copropriété importante vient d'engager une procédure
pour réclamer plus de 50 000 F. D'autres se préparent à
le faire. Certaines de ces copropriété adhèrent à
Eau Secours depuis plusieurs années : nous n'avons pas eu de difficultés
pour les convaincre. Pour les autres, la situation est plus compliquée.
Nous vous conseillons de prendre contact avec des associations de défense
des copropriétaires genre CLCV, CSF, etc.
Modèle utilisé (abonnés domestiques seulement, par lots de facturation) :